Quitter l’art, rejoindre la vie

Dans son Histoire matérielle et immatérielle de l’art moderne et contemporain, Florence de Mèredieu « prophétise » une nouvelle fin de l’art par un élargissement puis un dépassement en notre troisième millénaire.

« Tout au long du XXème siècle, les artistes n’ont cessé d’excentrer et d’élargir l’art en direction de tout cela qui était traditionnellement exclu de la sphère artistique. Science, art, technique, économie, politique, publicité et marketing, sphère de la vie intime se sont ainsi vus convoqués. L’art a donc visé à rejoindre la vie. Jusqu’à se fondre et se confondre en elle. La dilution de l’art dans les réseaux et cette autre dilution de l’art au sein des rituels et des procédures qui se multiplient sur le pourtour de la planète, sont une autre donne fondamentale de l’art actuel. A force de décréter que « tout est de l’art » et à force de sanctifier le moindre geste et le moindre projet, il y a quelque chance que l’on aboutisse à une telle excentration de la sphère artistique que celle-ci finisse par imploser. Est-ce forcément à déplorer ? Ce n’est pas sûr. Si tant est que les humains soient capables d’inventer des procédures à la fois suffisamment ludiques et assez fortes pour correspondre à l’énormité et à l’ampleur des problèmes posés à l’aube de ce troisième millénaire. […] Il semble, […] que l’on ait […] abouti à un tel élargissement de l’art que celui-ci soit en passe ou de disparaître ou (plus vraisemblablement) de se modifier considérablement.

            Alors : spectre de la fin de l’art ou « art total » ? Il est un moment ou ces deux idées se rejoignent. Et c’est bien cette constante exacerbation de deux positions apparemment situées aux antipodes, mais qui en réalité se rejoignent dans leur extrémisme même, qui fait actuellement question dans le champ de l’art. S’agit-il- d’une fin de vie ou d’une assomption ? D’une disparition ou d’un nouveau mode de vie ? Il est probable que nous soyons prochainement amenés à redéfinir ce que (depuis la Renaissance) nous affublons du terme d’« art ». Cette transformation marque l’avènement d’un nouveau cycle. »[1]

Joseph Beuys, également cité par Florence de Mèredieu dans Histoire matérielle et immatérielle de l’art moderne et contemporain ; et par Sandra Vuaillat, dans Beuys, sculpteur de la conscience humaine, in Récits d’artistes,13 décembre 2015 ; est un de ceux qui a tenté par ses travaux d’éveiller les consciences à cet art élargi, cet art converti à la vie :

« Par la présente, je n’appartiens plus à l’art. »

« Les conditions de la vie doivent changer – la régénération ne vient que du champ élargi de l’art. »

C’est une proposition que l’Institut d’Art Philosophique et Invisuel étudie également de façon approfondie.


[1] MEREDIEU Florence, Histoire matérielle et immatérielle de l’art moderne et contemporain, Larousse in extenso, 2019, p.694-695

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